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Episode #6 – Monter le 2ème niveau

Par Soazig Astier
Ingénieur d'Affaires

Je suis arrivée chez Pramod et Saru à Chapali le 12 Janvier 2019 afin de prendre le relais de Nasser, qui rentrait en France le jour même.

Malgré le peu de temps que nous passons chacun sur place, j’ai eu l’occasion de toucher à presque toutes les composantes d’un projet de construction. Si j’ai dans un premier temps assuré le suivi du chantier au quotidien avec Ramesh (maintien de la sécurité autant que possible, application de la qualité et respect du planning), j’ai également pu travailler sur des sujets de technique, de design, de budget et de planning.

Le suivi des travaux et l’obtention de la qualité « à la française »

Les ouvriers népalais sont payés à la tâche, et ont par conséquent une préoccupation principale : finir le plus rapidement possible pour pouvoir commencer une nouvelle tâche et ainsi s’assurer une meilleure rémunération. Le sujet de la qualité est ainsi totalement oublié, et c’est là que l’ingénieur GSE a un rôle très important à jouer.

Ci-dessous la liste non exhaustive des travaux qui se sont déroulés lorsque j’étais sur place, et la contribution « française » apportée par Ramesh (l’ingénieur Népalais avec lequel nous travaillons en binôme) et moi :

  • Les compagnons finissaient de poser l’ossature du plancher : nous avons contrôlé la qualité des soudures entre tubes car au Népal, la quasi totalité de la charpente métallique est coupée et assemblée par soudage sur place. Nous avons suivi avec attention la bonne application de la peinture antirouille sur toute la structure, et avons fait rajouter des plats métalliques afin de boucher les tubes pour s’assurer qu’aucun nuisible ne puisse pénétrer dans la structure à terme (entourés en bleu sur photo ci-dessous).

  • Les compagnons ont assemblé au sol puis monté les fermes métalliques de la toiture : nous avons notamment contrôlé qu’ils les centraient bien sur la toiture, que l’entraxe entre jambettes était conforme, et que la qualité des soudures entre arbalétriers/jambettes/entrait était acceptable. Nous leur avons fait reprendre les soudures qui étaient trop légères (4 points de soudure => 2 lignes entière/voire la périphérie totale du tube).

  • Les compagnons ont vissé la totalité des panneaux de ciments (18 mm) constituant le plancher à l’ossature métallique : Après avoir choisi des vis adaptées (vis à tête fraisée pour ne pas abîmer le futur revêtement en sol souple, de taille suffisante pour traverser plaques de ciment + les tubes métallique et résistantes à l’eau), nous avons contrôlé la densité des points de fixation de ces panneaux.

  • Les compagnons préparaient les murs en béton cellulaire pour appliquer l’enduit (ponçage et ragréage des allèges et poteaux béton). Nous avons constaté que les compagnons commençaient à appliquer de l’enduit sur des murs qui n’étaient pas prêts (ni lisses, ni plans), sans que nous leur en ayons donné l’autorisation. Qui plus est, il était convenu qu’ils commenceraient après le dallage, pour que nous n’abîmions pas leur travail. Nous avons donc stoppé la tâche, les avons avertis que la reprise du support serait à leur charge et que dorénavant, si nous n’avions pas dessiné une croix sur le mur, leur signalant que le support était prêt, il leur était interdit d’engager les travaux.

  • Les compagnons ont coulé la plupart des dallages lorsque j’étais sur place. D’eux même, ils tiraient systématiquement un fil de mur à mur, qu’ils mettaient de niveau, et ils contrôlaient la distance entre la surface du dallage en cour de coulage et le fil, pour s’assurer que la planéité était atteinte. Nous les avons simplement assistés en contrôlant les treillis qu’ils avaient assemblés à la main (même cette tâche est réalisée sur chantier), et en rajoutant des cales sous le treillis afin qu’il ne soit pas directement posé au sol et qu’il ait le bon enrobage.

  • L’électricien finissait de réaliser les saignées dans les murs et d’y installer les futurs boîtiers accueillant les prises et les interrupteurs. J’ai constaté que tous les boîtiers étaient situés à environ 1,50 m de hauteur, et donc qu’aucun d’eux n’était atteignable par les plus petits pensionnaires de l’internat. Je lui ai donc fait rajouter un boitier supplémentaire dans chaque pièce à 1,10 m de haut, boitier qui n’accueillera aucune prise mais un interrupteur pour que les plus petits puissent tout de même allumer la lumière en rentrant dans leur chambre. De plus, au Népal, tout le câblage électrique se fait en aérien. Mes prédécesseurs ont donc bien insisté auprès de l’électricien pour qu’il assure la jonction entre tableau principal et secondaire en enterré et j’ai contrôlé que ce soit bien le cas.

Le mur de soutènement

Le plus gros sujet technique pour moi a été la création du mur de soutènement entre le dortoir existant et notre dortoir. Il n’était initialement pas prévu, il a été rajouté afin de pouvoir créer un espace de jeu extérieur pour les enfants. Lors de mon arrivée sur place, les compagnons népalais terrassaient à la main la butte de terre qui se trouve sur la future aire extérieure.

En questionnant Ramesh, je me suis rendue compte que le dimensionnement qu’il avait imaginé pour le mur était plus que léger : une unique semelle filante 30×50 arasée à -20 cm, pas de disposition pour le drainage des eaux pluviales, une unique poutre béton en tête de mur (sachant que le mur fait tout de même 2,5 m de haut) et un entraxe entre poteaux béton très important.

J’ai donc sollicité un bureau d’étude français avec lequel GSE travaille régulièrement afin d’obtenir son avis sur la question. Celui-ci a été très réactif et m’a retourné un plan de dimensionnement dans la journée.

Nous avons par la suite adapté ce dimensionnement aux contraintes du chantier :
– Contraintes de délai et de coût
– Contrainte technique importante : il est impossible de réaliser des massifs aux dimensions préconisées par le BE (section 240×240 mm…) puisque le premier dortoir se trouve en partie haute du mur, et il faut à tout prix éviter de terrasser dans le cône à 45° sous la fondation existante, pour ne pas remettre en cause la stabilité du bâtiment existant.

Recherche de l’impact de la création du mur de soutènement (nécessitant un terrassement important) sur les fondations du dortoir existant

De plus, le terrain en partie haute du mur étant déjà en place, la pression exercée par la poussée des terres sera très limitée, ce qui nous a permis de réduire la section des massifs sans remettre en question la tenue du futur mur. Nous avons ensuite édité notre plan d’EXE (dimensionnement + ferraillage) sur AUTOCAD pour permettre aux prochains ingénieurs de contrôler la réalisation de ces travaux, puisque les terrassements pour réalisation des massifs débutaient seulement lors de mon départ.

J’ai également pensé à un dispositif de drainage des eaux que j’ai schématisé sur la figure  ci-dessous (avec cailloux, géotextile, gouttières en béton, barbacanes…)

Toutes ces modifications ont entraîné un surcoût de l’ordre de 1 500€ par rapport à ce qui avait été budgété, mais Michel et moi étions d’accords sur le principe suivant : il est inutile d’engager des travaux si nous ne savons pas garantir la pérennité des ouvrages exécutés.

Les garde-corps et l’escalier reliant les deux dortoirs

Michel et Pramod m’ont demandé de travailler sur le design des garde-corps du projet et de l’escalier permettant de franchir le mur de soutènement.

Pour le garde-corps, j’ai pensé qu’il serait intéressant d’intégrer un clin d’oeil à l’alliance franco-népalaise, qui fête ses 70 ans cette année, en 2019. Pour célébrer cet anniversaire, un logo a été retenu à la suite d’un concours de dessin organisé parmi les élèves de l’école Victor Hugo. J’ai donc souhaité adapter ce logo au design des garde-corps du projet.

J’ai laissé le soin aux suivants d’adapter cette idée afin de la faire rentrer dans le budget.

Pour l’escalier métallique, nous sommes partis sur un design assez classique, et l’avons implanté parallèlement aux sanitaires, pour perdre le moins d’espace possible dans l’aire de jeux, voir ci-dessous.

 

Création d’un planning visuel

Afin de faciliter l’arrivée de chaque ingénieur et de réduire le temps d’adaptation au projet, j’ai pensé qu’il serait intéressant de créer un planning visuel. Je l’ai donc imaginé avec l’aide de Ramesh (qui m’a aidé notamment pour connaitre la durée des tâches, qui n’est pas toujours la même au Népal). Le planning est très simple : une semaine = une diapo, et sur chaque diapo apparaît les travaux du RDC, les travaux du R+1, les travaux extérieurs, les achats de matériel à faire, les entreprises à consulter, les choix de finition à faire etc…

Je n’ai pas renseigné ce planning jusqu’à la fin du projet car ce n’est pas le but. Je pense qu’il est intéressant d’avoir une vision à 2/3 semaines pour permettre à chaque ingénieur de se plonger très vite dans le projet dès son arrivée et d’avoir les points de vigilance en tête tout au long de son temps sur place.

Suivi financier

L’une des missions importantes de l’ingénieur GSE sur ce projet est de mettre à jour le tableau EXCEL de suivi du budget/des dépenses chaque fin de semaine en y renseignant les factures payées par Ramesh.

Lors de mon arrivée, certains budgets n’étaient pas tout à fait à jour (des modifications de projet n’avaient pas été intégrées). Nous avons donc pris le temps de mettre à jour le tableau pour la totalité des lots. (Mise à jour des métrés, des prix, recherche des économies…).

Ce suivi assidu des finances mis en place depuis le 1er jour du projet ainsi que la séparation fourniture/pose a été très bénéfique, puisque cela nous a permis de faire des économies et ainsi de financer en partie des travaux non prévus en base, mais qui vont réellement améliorer la qualité de vie des enfants (carrelage au RDC, mur de soutènement, zone de jeux extérieure pavée…).

Ce rapport ne fait état que de mon implication professionnelle au sein de ce beau projet. Mais il y aurait encore plus à dire sur le plan humain. Cette expérience a été très belle et enrichissante que je souhaite à tout le monde de vivre au moins une fois dans sa vie. Je remercie GSE de nous en donner l’occasion et espère pouvoir faire partie d’autres projets avec la fondation à l’avenir.